Gilles Billen et Sylvain Théry
UMR Sisyphe UPMC/CNRS
Le fait biogéochimique majeur qui caractérise l’évolution récente de l’écosphère continentale réside dans la spécialisation fonctionnelle des paysages sous l’intervention humaine, et dans l’ouverture des cycles locaux d’éléments biogènes qu’elle entraîne. Cette spécialisation fonctionnelle des paysages est largement dictée par le processus d’urbanisation progressive de la population humaine. Même si d’autres définitons, basées sur la continuité du bâti, ont généralement cours parmi les urbanistes ou les géographes (INSEE 2002, IGN 1998), la Ville peut en effet être définie comme un regroupement de populations ne produisant pas elles-mêmes leurs moyens de subsistance alimentaire (Asher, 2001), donc, biogéochimiquement, comme un système hétérotrophe. Le développement et la dynamique des villes sont donc par nature liés au développement des moyens de production de biens alimentaires dans le milieu rural, des moyens de transport et de stockage de ces biens, des moyens de diffusion des informations nécessaires à l'organisation de la division du travail et des échanges entre milieu urbain et rural. Nous pensons que ce lien fournit une clé pour l’analyse spatiale à long terme de l’évolution du fonctionnement biogéochimique des systèmes régionaux, en particulier vu sous l’angle de la circulation de l’azote, élément essentiel du fonctionnement écologique des écosystèmes. A cet égard, l’espace de 75000 km² qui constitue le bassin versant de la Seine offre un cas d’étude idéal, car il est caractérisé à la fois par le développement d’une agriculture très intensive basée sur les grandes cultures exportatrices, et par la présence d’une mégapole parmi les plus grandes d’Europe. Les données permettant de décrire le fonctionnement biogéochimique présent de ce vaste système, comme celles permettant de reconstituer la dynamique passée qui a abouti à cet état, sont relativement abondantes et accessibles. Ainsi, le PIREN-Seine a déjà structuré une part importante des travaux rétrospectifs qu’il a mené sur le fonctionnement du bassin de la Seine autour du fil rouge que constitue le rôle du développement démographique extrêmement précoce de Paris sur la structuration du monde rural du bassin (voir le rapport de synthèse du thème transversal ‘Rétrospective’ de la phase III du programme (1998-2001).